jeudi 24 avril 2008

Questionnaire fait auprès de Madame VANNI Angèle – Village de Bisinchi dans la piève du Rustinu

Madame VANNI Angèle, 55 ans, secrétaire administrative à Bastia, habitant depuis toujours le village de Bisinchi dans la piève du Rustinu a bien voulu répondre à mes questions.

- Pourquoi avez-vous appris l’Ochju ?
« J’ai tenu à apprendre les prières de l’Ochju vers l’âge de 40 ans en mémoire de ma grand-mère et aussi parce qu’à plusieurs reprises personnellement j’ai eu besoin des services de la « signatora Berbaretta ». Cette personne , malheureusement décédée, possédait un très grand pouvoir, non seulement pour l’Ochju mais aussi pour retrouver les objets perdus, pour certaines maladies ( vers, coups de soleil etc…) des hommes et des animaux. Ayant été élevée par ma grand-mère dans la ferveur chrétienne et habituée à la suivre lorsqu’elle allait soulager les petits maux des gens (remettre les os en place notamment) et surtout procéder aux accouchements car elle était en quelque sorte « bonna-donna », mais elle n’était pas « signatora », faisant pour cela confiance à sa cousine « Berbaretta ». C’est donc « Berbaretta » qui une nuit de Noël me dévoila les « prigantule ».

-De quelle façon procédez vous pour faire l’Ochju ?
« Le rituel est le suivant :
-Remplir une assiette blanche, creuse, d’eau et la poser sur la table à côté de la personne malade. La personne peut mettre quelque chose de personnel dans l’eau (bijoux en particulier) ou autre chose sous l’assiette, qu’elle portera sur elle une fois l’Ochju terminé.
-Mettre un peu d’huile dans une cuillère assez grande qui remplace « la lumerella »
-Faire poser les doigts de la main droite de la personne sur un rebord de l’assiette
-En tenant la cuillère d’huile de la main gauche ont fait trois signes de croix avant de commencer à dire les prières, puis pendant que l’on dit les prières on fait avec la main droite un signe de croix en touchant les bords de l’assiette en commençant par N/S et O/E et en touchant en passant les doigts de la personne tout le temps que durent les prières.
-A la fin les prières, on trempe l’auriculaire droit dans l’huile et on verse trois gouttes dans l’eau. Si les gouttes se figent et sont petites et brillantes, il n’y a pas d’ « Ochju ». Si les gouttes se dispersent, ne se figent pas, il y a l’ « Ochju ». Dans ce cas on recommence jusqu’à « spezza l’ochju » casser l’œil. Si on n’y arrive pas, la personne doit faire appel à une autre « signatora » et jusqu’à une troisième « signatora ».
-Lorsque « l’ochju » est fini. On verse le reste d’huile de la cuillère dans l’eau, on brouille l’eau et l’huile avec son auriculaire droit et on fait un signe de croix sur le front du malade en disant « Que le mal soit conjuré ».
-On jette l’eau et l’huile de l’assiette dans l’évier, cela n’a pas d’importance et n’est pas précisé dans le rituel que l’on m’a transmis. »

-Y a-t-il des personnes qui vous demandent de leur faire « l’Ochju » ?
« Oui, beaucoup de personnes me demandent de leur faire « l’Ochju » lorsque subitement elles ont mal à la tête ou envie de vomir. Ce sont surtout les voisins, les membres de la famille, les amis et en particulier les enfants en bas âge.
Je pense qu’il faut être très croyant pour que cela soit efficace. Mais je constate chaque jour que la tradition de « l’ochju » est encore très vivace dans la population et je dirais même que les jeunes sont plus demandeurs que les autres. »

-Avez-vous transmis à votre tour « l’Ochju » ?
« Oui, j’ai transmis « l’ochju » à ma fille, qui a 22 ans, car j’estime que cela fait partie de notre culture, je dirais même plus, cela nous permet de continuer d’exister. Le jour où nous ne transmettrons plus rien à nos enfants, ce jour là, qui à mon avis n’est pas loin, le peuple corse aura perdu son âme. »

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